Que faites-vous ce prochain samedi, en soirée ? 
Peut-être qu’après une journée harassante à parcourir les magasins à la 
recherche de l’impossible énième cadeau, aspirerez-vous à une soirée de repos 
devant la télévision ? Ou peut-être passerez-vous la soirée entre 
amis ? Ou peut-être encore aurez-vous envie d’écouter quelque belle musique 
pour vous mettre déjà dans une ambiance de fête et préparer 
Noël ?
Dans ce dernier cas, j’ai probablement ce qu’il vous 
faut.
Connaissez-vous les colinde ? – Un 
colindă (colinde au pluriel) est un chant de Noël roumain, chanté 
ou quelquefois aussi déclamé. Le mot remonte loin dans le temps puisqu’il se 
rattache aux "calendes" du calendrier romain. Si la tradition tend à se perdre 
dans les villes, elle subsiste encore dans les villages de 
Roumanie.
La dernière semaine de l’avent, 
femmes et filles regarnissent la maison de propre et de neuf et commencent à 
préparer la nourriture festive pour les colindători, les 
chanteurs-quêteurs : sarmale, boulettes de viande enveloppées dans 
une feuille de vigne ou de chou, cozonacii, sortes de brioches garnies, 
colăcuţi (petits colaci), pains rituels portant un sceau au 
monogramme du Christ, qui existent aussi chez nous dans certaines régions, 
notamment le nord de la France ou la Belgique, sous des noms variés (cougnou, 
quéniole, cuniole, coquille, quénieu…).
Lors de la veillée du 24 décembre, 
les groupes de colindători vont se succéder par ordre d’âge croissant. 
D’abord les tout-petits, les enfants très jeunes, de trois à cinq ans, 
accompagnés d’un aîné ou d’un parent. Pour la nuit de Noël ils chantent sur un 
ton très simple un court texte tel que celui-ci :
Deschide uşa 
      creştine ! 
S-a născut Domnul 
      Histos ! 
 | 
    
Ouvre la porte, 
      chrétien ! 
Car le Seigneur Christ 
      est né ! 
 | 
Viennent ensuite des groupes de 
garçonnets un peu plus âgés, de cinq à dix ans, puis ceux de jeunes âgés de dix 
à treize ou quatorze ans. Les chants qu’ils produisent sont plus longs, les 
références chrétiennes plus détaillées. On y discerne mieux comment la pensée 
locale s’y exprime tantôt par des formules qui lui sont propres, tantôt par les 
formules que la langue d’Eglise propose. Tel ce 
texte :
Deschide uşa 
      creştine ! 
Că venim din nou la 
      tine 
Drum-i greu 
      şi-am obosît 
De departe am 
      venit 
Şi la Viflaim am 
      fost 
Unde s-a născut 
      Hristos 
Şi am văzut şi pe-a sa 
      mama 
Pe care 
      Maria-o cheamă 
Cum umbla 
      din casă-n casă 
Ca pe fiul 
      ei să-l nască 
Umble-n sus şi umbla-n 
      jos 
Ca să-l nască pe 
      Hristos 
Umbla-n jos şi umbla-n 
      sus 
Ca să-l nască pe 
      Jesus 
Mai tîrziu găsi 
      apoi 
Un staul frumos de 
      oi 
Şi acolo pe fin 
      jos 
S-a născut 
      Domnul Hristos 
 | 
    
Ouvre la porte, 
      chrétien ! 
Car nous venons à nouveau 
      chez toi 
La route est dure et nous 
      sommes rompus 
Nous sommes venus de 
      loin 
Et nous avons été à 
      Bethléem 
Là où est né le 
      Christ 
Et nous avons vu aussi sa 
      mère 
Laquelle on nomme 
      Marie 
Comme elle allait de 
      maison en maison 
Pour donner naissance à 
      son fils 
Elle allait en haut, elle 
      allait en bas 
Pour donner naissance au 
      Christ 
Elle allait en bas, elle 
      allait en haut 
Pour donner naissance à 
      Jésus 
Plus tard elle 
      trouva 
Une belle étable de 
      brebis 
Et là sur le foin en 
      bas 
Est né le Seigneur 
      Christ 
 | 
Vers neuf heures du soir des 
groupes mixtes de jeunes gens, âgés de seize ans au moins, apparaissent à leur 
tour, chantant et quêtant, ne manquant pas de faire savoir qu’ils attendent en 
remerciement de leur chant autre chose que quelques fruits : de la 
nourriture carnée plus substantielle, du cărnaţi (saucisson), et de 
l’alcool plus stimulant, horincă (prunelle).
Vient alors l’heure de se rendre à 
la messe de minuit. Là, c’est au prêtre et au chantre d’officier dans la langue 
de l’Eglise. Mais les cantiques chantés entre les pièces liturgiques sont nommés 
aussi colinde, bien qu’ils n’entraînent, dans l’église, aucune 
déambulation rituelle.
La messe entendue et chantée, 
chacun rentre chez soi, et les colinde reprennent. C’est au tour 
maintenant de bandes d’hommes et de femmes mariés. Leur aire de déplacement 
n’est plus seulement le quartier, mais le village dans sa globalité. Pour ces 
groupes, la réciprocité est de règle. Si un voisin est venu chez moi, moi je 
dois me rendre chez lui. C’est cela toute la nuit. Personne ne dort la nuit. 
Viendront enfin les vieux et les vieilles, en sorte que tout le monde est 
impliqué dans ce système d’échange généralisé.
d'après Jean Cusenier, Mémoires des Carpathes 
(dans un village du nord de la Roumanie, 
en 1991)
Pour une illustration sonore et 
visuelle :
Voilà. Vous savez donc tout maintenant, ou presque, 
autant que moi en tous cas, sur les colinde, ces chants de Noël roumains 
et sur les traditions qui y sont associées – ou qui l’étaient car le monde 
évolue à grande vitesse, là-bas aussi. Si ces chants éveillent votre curiosité 
et si donc vous cherchez comment bien employer votre soirée de samedi 17 
décembre, l’invitation ci-dessus est faite pour vous.



Un comentariu:
La mulţi ani! :)
Trimiteți un comentariu